Aujourd’hui,

Samedi 25 novembre,

Le CCO a accueilli une séance de projection-débat sur la question du transit et des traces laissées par les « migrants » dans leurs parcours à Lyon et à Villeurbanne. Environ 25 personnes nous ont fait le plaisir de se joindre à nous pour partager ce moment de réflexion.

Marina Chauliac, membre du comité scientifique de Palimpseste, anthropologue participant aux ateliers Audioscope et réalisant un travail de terrain avec les résidents du Centre d’Accueil et d’Orientation (CAO), a pu nous faire un retour sur son expérience de recherche-action. Ce travail interdisciplinaire visait deux objectifs principaux : comprendre le rapport entretenu par les résidents du CAO avec  le territoire et leur permettre, par la création, de laisser une trace, un témoignage d’eux et de leur passage.

Ainsi, elle a notamment souligné l’importance du passage de la trace involontaire à la trace intentionnelle permise par le dispositif. En effet, si le carré de soie, par son histoire ouvrière marquée, nous rappelle le passé migratoire fort de ce quartier, cette trace ne relève pas d’une intentionnalité de visibilisation mais plutôt d’une marque fugace, qui apparaît par corrélation à l’architecture patrimonialisée des lieux. En revanche, le dispositif artistique Audioscope et plus largement, le projet Palimpseste, relève d’une volonté de faire trace en soi, de cette histoire en train de s’écrire et des parcours, échanges et transformations induites par l’arrivée et la rencontre entre les personnes en situation de migration et les habitants du quartier. Les « migrants » et leurs parcours ne sont plus des histoires annexes et spasmodiques de la construction et de l’évolution du quartier mais bien des acteurs des changements urbains. Ces migrations ne sont plus simplement évoquées par rapport à d’autres contextes mais constituent des éléments de mémoire en soi. Il y a un changement de paradigme, nous passons de restes ou d’indices à témoignages dans lesquels la volonté d’écrire une histoire commune apparaît.

Elle nous a également donné quelques éléments d’analyse pour la compréhension des choix iconographiques et musicaux des personnes ayant participées aux ateliers Audioscope. Les photos sont en grande majorité des portraits représentant un idéal de soi. Les lieux des photographies traduisent les liens avec le pays d’origine, les escales durant leurs voyages et les lieux d’arrivés. Ces choix ont un sens et traduisent pour beaucoup l’importance des relations sociales (on pose avec un ami, un ami a pris la photo, on choisit une photo d’une personne chère, etc…). Ils nous parlent du rapport au territoire en lien aux rapports humains, ils esquissent des attachements, des pratiques des lieux. En effet, par exemple, les lieux disposant d’un accès gratuit au wifi sont des espaces permettant de maintenir des relations avec les personnes restées au pays.

Les musiques également expriment un rapport avec le territoire qu’il soit local (plus rarement) ou mondial. En effet, la grande majorité des musiques choisies sont issues du marché mondial et sont très connues. Elles viennent pour la plupart de pays autre que le pays d’origine des participants et les artistes symbolisent l’interculturalité et la mondialisation. De manière plus exceptionnelle, on retrouve aussi des chansons traditionnelles ou religieuses.

Au cours de son travail de recherche, elle a pu observer l’importance du téléphone portable pour les résidents du CAO et son utilisation protéiforme. L’objet devenant tantôt un outil de traduction, un lien avec les proches restés au pays d’origine, un GPS, etc…  Importance qui s’est retrouvée lors des ateliers de création notamment pour le transfert des images et des musiques aux artistes.

Antoine Dubos est auteur et réalisateur du film « L’attente », tourné dans un centre de transit géré par Forum Réfugié-Cosi à Lyon. Il nous a fait le plaisir de nous diffuser son documentaire qui illustre la diversité et la complexité des personnes en situation de migration et de leurs parcours mais surtout, la réalité partagée par tous de l’espoir, de l’attente et de l’inquiétude (https://attente-webdoc.com/). A cette projection a fait suite une discussion avec le réalisateur et une représentante de Forum réfugiés -Cosi qui a permis de retracer l’expérience mais aussi d’apporter des éléments sur les différents systèmes d’accompagnement des personnes en situation de migration.

Maureen Burnot (anthropologue et réalisatrice) ainsi que Moussa N’diaye (juriste spécialiste des droits humains), tous deux membres de l’association Tillandsia, ont clôturés ce moment de partage en nous présentant plus particulièrement leur travail sur la place Mazagran à Lyon 7 et en nous diffusant des extraits des ateliers audiovisuels déjà réalisés. En effet, depuis juin 2017 et après une phase de découverte et d’imprégnation du lieu, des ateliers d’imagerie populaire participatifs ont été mis en place avec 15 personnes en situation de migration habitant cette place la journée. L’objectif étant, non pas de porter un regard sur une réalité mais bien de faire émerger des habitants des points de vus, des idées et de construire des réalités sur ce lieu et sa dynamique par la prise en main des outils techniques de l’audiovisuel. Moussa N’diaye est entré dans l’équipe de Tillandsia par l’intermédiaire de ce projet qui lui tient à cœur de par son aspect politique. Il a un rôle de médiateur entre l’équipe auparavant exclusivement féminine et les habitants de la place et souhaite par ailleurs, que la réalisation audiovisuelle finale puisse être projetée dans les pays africains où la migration est forte afin d’apporter un éclairage sur la situation d’accueil en France des personnes migrantes.

J.Q.


Dans le cadre des 13e rencontres Et si on en parlait, en partenariat avec le Cco Jean Pierre Lachaize, nous vous invitons à une lecture inédite de la ville par le prisme des migrations.

Des documentaires forts, des témoignages et des projets donnant des clés de compréhension des parcours de migrants à Lyon et Villeurbanne… Pour saisir les enjeux et la réalité des conditions de vie dans cet espace temps si particulier : le transit.


PROGRAMME

15h00

Accueil par le CCO et présentation du projet Palimpseste

Faire Trace de la migration: une expérience de recherche-action, par Marina Chauliac, anthropologue (IIAC / EHESS / CNRS, DRAC Auvergne-Rhône-Alpes).

Discussions autour du projet et de la recherche de Marina Chauliac.

15h40

Projection du film documentaire d’Antoine Dubos (2017) : «L’attente» (https://vimeo.com/207512798)
Au centre de transit de Forum réfugiés-Cosi à Lyon, les demandeurs d’asile sont hébergés quelques semaines ou plusieurs mois. Certains débutent leur procédure, d’autres viennent de recevoir leur statut de réfugié. Tous attendent.

16h30 

Rencontre et débats avec le réalisateur et un représentant de Forum réfugiés-Cosi

17h15

Projection et présentation par Maureen Burnot (anthropologue, réalisatrice) et Moussa N’diaye (juriste spécialiste des droits humains) de l’atelier mené par l’association Tillandsia sur la place Mazagran (Lyon 7ème)

 

Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.