Auteur et crédits photographiques : Marina Chauliac, anthropologue

Photographies dans l’ordre: couloir du premier étage accueillant des chambres du Centre d’accueil et d’orientation, atelier de restitution le 19 décembre au CAO

La population hébergée au CAO est composée majoritairement d’hommes seuls de 20 à 35 ans (un couple et quelques familles ont été accueillis durant les premiers mois après l’ouverture), de nationalités variée: Afghans, Soudanais, Albanais, Ethiopiens pour les groupes les plus importants. Environ 140 personnes ont résidé en permanence depuis l’ouverture du centre avec un turn over important. Parmi eux, 41 ont participé aux ateliers Audioscope et transmis une image et 34 une musique (mon analyse se base toutefois sur un panel plus large de personnes qui n’ont pas toujours accepter de rendre leur photo publique). Leur profil reflète assez bien celle des habitants du CAO,: 17 Soudanais, 14 Afghans, 3 Ethiopiens, un Burkinabé, un Sénégalais, un Sahraoui, deux Palestiniens d’une même famille et un couple d’Albanais.

Les ateliers ont été conçus de façon à laisser une grande part de liberté aux hébergés qui passaient souvent par hasard et s’arrêtaient pour voir « ce qu’il se passait » ou rejoignait un « ami » qui se trouvait déjà là. L’ « effet de groupe » et, en creux, des liens privilégiés entre personnes originaires d’une même région est perceptible. Installés dans ce qui faisait office de salon, les artistes arrivaient avec un ordinateur, retravaillaient et imprimaient directement l’image choisie puis la découpaient pour avoir un premier aperçu de ce que sera l’objet final. La musique transféré du téléphone portable sur l’ordinateur n’était adjointe au « disque » que dans un second temps et l’objet finalisé remis au destinataire un ou deux mois plus tard. Les temps de restitution revêtaient alors souvent un air festif, notamment quand ceux-ci avaient lieu hors du CAO, moments qui semblaient volés à la solitude ou la morosité.

Désireux de ne pas porter un regard sur les réfugiés, mais de co-construire une image avec eux, les images choisies sont issues pour la plupart des téléphones portables et, dans les rares cas où le migrant ne possédait pas de téléphone, sélectionnées sur Internet. Il convient de faire une parenthèse sur le rôle joué par les téléphones portables pour les migrants aujourd’hui. Véritables « couteaux suisses », ils font office d’album -souvenir (parfois recomposé grâce aux photos envoyés via les réseaux sociaux, suite à la perte ou au vol du téléphone), outil de communication indispensable avec les proches laissés derrière soi ou nouvellement connus, GPS, traducteur, etc. « Cela fait partie des premières choses qu’ils achètent, parfois un pour deux », me disait un des membres de l’équipe du CAO.

Un exemplaire du disque est donné au « témoin », un autre est présenté lors de différents événements et a pour vocation à être conservé dans la médiathèque du Rize qui lui confèrera un statut sinon de patrimoine, du moins de « témoignage » ou encore de « document » au sens où la trace, devenue publique et accessible s’inscrit dans un questionnement sur la présence d’un passé migratoire, peut être classée et critiquée (Ricoeur, 2000).

Au final, ce sont 39 disques qui ont pu être créés, 39 objets artistiques et mémoriels construits sur la base des données des téléphones portables des migrants hébergés temporairement sur cet ancien territoire industriel.