Tous les chemins mènent ailleurs

Dans le cadre de l’atelier « Des cartes pour mieux se perdre » porté par l’Unipop et animé par Myriam Suchet et Sarah Mekdjian, le CCO, Marina Chauliac et les membres du comité scientifique de Palimpseste ont organisé une balade urbaine sur le territoire du Carré de Soie, espace d’implantation du projet Autre Soie, futur lieu du CCO.

Les participants ont été invités à explorer des lieux signifiants pour les acteurs culturels et sociaux du quartier mais aussi pour les habitants et plus particulièrement, les résidents du Centre d’Accueil et d’Orientation de Villeurbanne, géré par Forum réfugiés – Cosi. Ces lieux renvoient aux traces du passé industriel et migratoire du territoire mais aussi, aux pratiques sociales et spatiales actuelles des personnes migrantes. Par petit groupe, les participants ont élaboré leurs parcours jusqu’à certains de ces lieux sans se baser sur une carte préexistante mais bien en faisant appel à leurs pratiques sensibles et affectives de l’espace. Cette méthode de repérage a permise de susciter des discussions et des échanges sur les représentations et les expériences diverses de l’espace.

A 17h, les groupes se sont réunis pour visiter l’ancienne usine Tase puis ont finalisé cette riche journée en échangeant autour d’un verre.

Chaque groupe avait pour tâche de garder trace de cette journée et de ces échanges en collectant et en sélectionnant un ensemble de documents (vidéos, photos, notes, dessins, enregistrement, etc…) constituant un récit à plusieurs voix du territoire. Nous vous proposons de les découvrir ici.

« Quelqu’un avec qui cheminer »

Un film de Ludovica Bottiglieri et Marina Chauliac

Un petit groupe de chercheurs, étudiants, migrants hébergés par Forum Réfugiés, membres d’associations impliqués sur le quartier, se réunit le 9 juin au Centre d’accueil et d’orientation de Villeurbanne pour un “comité scientifique en marchant”. En inventant quelques “balades patrimoniales” sur le quartier Carré de Soie, l’objectif est de produire de la connaissance autant que du lien social. Des petits groupes se forment, des parcours sont imaginés sur les traces d’une activité industrielle passée mais aussi des différentes migrations qui ont donné son identité au quartier. Un des groupes se laisse guider par A., jeune Guinéen d’une  vingtaine d’année, demandeur d’asile arrivé quelques mois plus tôt dans le centre.

A. qui a traversé la moitié de l’Afrique et une partie de l’Europe, accepte d’être enregistré par Marina durant cette balade. Ludovica prend des photos du groupe, des lieux. A. regarde, parle.

Les espaces traversés le renvoient à des souvenirs proches: son arrivée dans le centre, ses moyens de déplacements, les difficultés quotidiennes, pour regarder tout simplement un match de foot. Le but de la balade est l’arrivée au canal de Jonage, d’où l’on peut apercevoir l’usine hydroélectrique de Cusset.

Au bord de l’eau, un autre récit émerge. Le canal devient mer, les berges sont les côtes libyennes puis italiennes après la traversé de la Méditerranée à bord d’un canot pneumatique. A partir de ce moment précis,le Carré de Soie devient le lieu de projections du parcours de Guinée jusqu’en France. Ce ne sont plus les chantiers des nouveaux bâtiments du Carré de Soie que A. voit, mais les chantiers sur lesquels il a travaillés en Algérie. Ce ne sont plus les friches laissés par l’ancienne usine Tase, mais la Libye qu’il revit… Il suit un autre chemin, celui de souvenirs douloureux, parfois indicibles.

Ce film est un témoignage de ce moment si particulier qui a duré à peine une heure trente pour quelques kilomètres parcourus ou peut-être quelques mois et quelques centaines de kilomètres.

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Marina Chauliac

Anthropologue, Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (EHESS/CNRS)