Céline Fabre, stagiaire au sein de la recherche-action Palimpseste, rencontre les membres de l’occupation temporaire au CCO La Rayonne. Cette série d’entretiens nous offre un aperçu des différentes personnalités qui fréquentent ce lieu atypique.

Halim tenant un jeune pistachier de l’atlas

Pour la première fois, j’interviewe un occupant qui prend soin de l’extérieur de la Rayonne : un espace végétal donnant sur le parc. C’est sous un tilleul que je recueille les propos de Halim, en espérant que son histoire et son volontarisme puissent être une source d’inspiration!

Céline Fabre : Je suis contente d’avoir l’occasion d’en savoir plus sur tes engagements et ton expérience à la Rayonne. Comment as-tu eu connaissance de ce lieu et quand es-tu venu pour la première fois?

Halim : J’habite le quartier des Brosses à Villeurbanne depuis 2002, propriétaire d’une maison située à 700 mètres d’ici. Dans ma boîte aux lettres, je reçois la revue de Villeurbanne qui m’a fait découvrir que le quartier allait être transformé avec le projet de l’Autre Soie. J’ai participé aux portes ouvertes en tant qu’habitant du quartier et président d’une association qui s’appelle “Botma, pour la sauvegarde du pistachier de l’atlas”, j’ai trouvé le lieu intéressant et à proximité. J’ai pris contact avec la directrice des associations de la ville de Villeurbanne et ensuite avec le CCO, l’idée étant de créer une pépinière expérimentale dans un potager, afin de faire découvrir notre mission et partager notre projet avec d’autres associations.

C.F : Parles-nous un peu de cette association. C’est toi qui l’a fondée?

H : Oui, en 2017. J’ai crée notre groupe facebook, qui compte actuellement 1501 membres de plusieurs pays : Tunisie, Maroc, Algérie, Turquie, Chypre, Espagne, France. J’ai découvert le pistachier lors d’un voyage dans le Sahara algérien : j’ai vu un gros arbre qui poussait tout seul, sans eau, donc je me suis posé des questions. Après quelques recherches, j’ai appris que cette espèce était en voie de disparition. Ca m’a donné envie de créer une association. On travaille avec des associations étrangères, par exemple Terre verte, avec qui on a organisé une plantation de 80 pistachiers de l’atlas en Algérie au mois de mars 2019. On a aussi travaillé avec une association tunisienne qui s’appelle Semences paysanne et qui récolte de vieilles semences. Ils sont spécialisés dans la permaculture, nous leur avons fait don de semences de pistachier de l’atlas pour réhabiliter l’espèce par des plantations dans les zones arides de la Tunisie

 

C.F : J’imagine qu’il faut un climat aride pour qu’il se développe. On ne pourrait pas en planter un ici par exemple?

H : Si, j’ai fait des essais à Villeurbanne j’ai une connaissance acquise par une formation en agriculture biologique et une formation arboriculture (BPREA) au centre de formation d’Ecully. Et au mois de février,  j’ai recherché un laboratoire pour expérimenter, faire des tests de germination, nous avons en réserve plus de 4 000 graines. J’ai fait un essai en Bourgogne à Givry, la société Biotek m’a proposé de ramener des graines et actuellement les plants mesurent 5 cm!  Le but de cette expérience est de voir si le pistachier résiste au givre et créer des brise-vents (barrières d’arbres servant à ralentir le vent, ndlr).

 

C.F : A quelle fréquence viens-tu à la Rayonne?

 H : Pratiquement tous les jours, actuellement, parce qu’avec la chaleur, les plantes ont besoin d’arrosage.

 

C.F : Qu’est-ce qu’on peut trouver dans ton espace végétal à la Rayonne?

H : Il y a des plants de tomate, une variété ancienne lyonnaise, aussi dans le but de la sauvegarder (rires). Ce qu’il y a de particulier c’est qu’on peut récupérer les graines et les semer à nouveau. Ensuite, il y a des plants de pistachier d’Atlas, – c’est une priorité pour moi -, des plantes aromatiques : menthe, mélisse, des plantes grasses, laurier rose, haricots et des fleurs. Pour créer une biodiversité.

Le pistachier de l’atlas, grandeur nature

C.F : Quelles relations est-ce que tu entretiens avec les autres occupants?

H : Je découvre pas mal d’associations actuellement. La première que j’ai contactée s’appelle le GEM envol (Groupe d’Entraide Mutuelle). Je connais le jardinier qui s’appelle Patrick, c’est un ami qui habite le quartier, il donne des cours tous les vendredis matins. Le 11 juillet, nous allons organiser un atelier, je vais leur apprendre la technique pour semer une graine, pourquoi semer, l’historique de l’arbre…

C.F : Est-ce que le versant historique de la Rayonne a une influence sur ton travail?

 H : Comme j’habite le quartier, j’ai toujours connu ce bâtiment. Je sais qu’il a été habité par des ouvrières, au tout début de l’industrie de la Soie. Je m’intéresse beaucoup au patrimoine, à la préservation et la sauvegarde de tout ce qui est culturel. C’est pour ça que quand mon m’a proposé cet espace, je n’ai pas hésité.

C.F : Qu’est-ce que tu dirais si tu devais défendre l’importance des espaces verts dans le projet de l’Autre Soie?

H : Je dirais qu’il y a un grand parc qui a été en friche : il y a donc une biodiversité au niveau végétal et animal. Depuis que je suis là j’ai vu des faucons qui ont trouvé refuge sous les toits de cet établissement, il y a des hérissons et un certain nombre d’espèces en voie de disparition. Pour moi l’objectif est de préserver ce milieu naturel pour les villeurbannais et la ville de Villeurbanne. Il y a déjà beaucoup de tilleuls centenaires et si je pouvais planter des pistachiers de l’atlas, je le ferais. C’est en partageant avec d’autres associations qu’on peut préserver notre écosystème.

Si la Rayonne était un animal?

Un lion, pour défendre son territoire.

Si la Rayonne était une plante?

Un pistachier de l’Atlas.

Si la Rayonne était un pays?

La suisse. Pour la paix dans le monde.

Plus d’informations sur l’association de Halim : https://www.facebook.com/groups/1281179765292533/

Propos recueillis le 27 juin 2019